Ethnoarchéologie et archéologie de l'Afrique

L’ETHNOARCHEOLOGIE ET L’ARCHEOLOGIE DE L’AFRIQUE DES 3 DERNIERS MILLENAIRES  

L’ethnoarchéologie, initiée au Département d’Anthropologie dans les années 1980 par Alain Gallay et développée depuis lors au sein des laboratoires APA puis ARCAN, vise à étudier les cultures matérielles et les comportements au sein des communautés actuelles. Il s’agit de construire des référentiels (ou modèles) liant les faits matériels et leurs interprétations, capables d’aider le processus d’interprétation en archéologie.

Cette stratégie de recherche s’insère dans un ensemble d’études interdisciplinaires cherchant à comprendre les dynamiques techniques, l’histoire des peuplements et l’évolution des modes de vie en Afrique, de l’Age du fer aux temps modernes.

Les méthodes utilisées comprennent des entretiens de recherche, des documentations de processus techniques, des expérimentations, des collections de référence (poteries, poissons, plantes), des fouilles archéologiques et des analyses de laboratoire (datations, pétrographie, chimie organique, tracéologie, etc.). Les thèmes développés concernent principalement la céramique, la métallurgie, l’architecture et l’alimentation.

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Les projets de recherche en cours

Projet HOME

HOusing in the Margins of Empires: Archaeology and Ethnohistory of settlements in the megalithic region of Senegal and The Gambia.

 

(FNS Ambizione PZ00P1_216186 ; Requérant : Adrien Delvoye)

2023-2027 : https://data.snf.ch/grants/grant/216186

 

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Wanar, vue de drone de la Tranchées du Secteur nécropole

 

Le projet HOME (2023-2027) vise à rassembler les premières données archéologiques et ethnohistoriques de référence sur habitats et contextes domestiques des régions centrales du Sénégal et de Gambie ; dans une région qui fut jusqu’ici principalement étudié pour ses sites funéraires mégalithiques érigés au tournant des 1er et 2e millénaires CE (Gallay et al. 1982 ; Laporte et al. 2012 ; Holl et Bocoum 2014). Avec près de 20'000 monuments mégalithiques répartis sur environ 1987 sites, la Sénégambie rassemble en effet l’une des plus importantes concentrations d’architectures monumentales en pierre du continent africain (Laporte et al. 2017 ; Delvoye 2021), dont certains sont mêmes inscrits au Patrimoine mondial de l’Humanité de l’UNESCO.

Période majeure de l’Histoire ouest-africaine, le tournant des 1er et 2e millénaires CE coïncide pourtant avec le développement d’entités politiques telles que le Ghâna (5e-13e s.), le Songhay (7e-17e s.) ou le Mâli (13e-17e s.), dont le pouvoir repose sur le contrôle de flux commerciaux reliant des zones aussi éloignées que le Maghreb et le Sahara d’une part, et les espaces sahéliens et forestiers du Golfe de Guinée d’autre part. Dans ce contexte, la Sénégambie apparaît à la fois en périphérie des grands “Empires“ et comme le cœur de sociétés aux productions matérielles uniques, à l’interface entre des espaces géo-climatiques variés irrigués les canaux majeurs que sont les fleuves Gambie, Sénégal et Niger. Malgré quelques données préliminaires (Lawson 2000 ; Gallay 2010 ; Holl et Bocoum 2017), l’étude des modes de vie et d’occupation des territoires par les populations anciennes reste toutefois très lacunaire en Sénégambie. Des aspects aussi centraux que la nature des habitats (formes, matériaux, techniques de construction), les modes de subsistance (ressources végétales et animales) et la culture matérielle de ces sociétés restent encore largement inconnues. Ainsi, comment se positionnent les habitats par rapport aux nécropoles mégalithiques déjà identifiées ? L’absence de buttes anthropiques massives témoignant en d’autres régions de longues périodes d’occupation est-il révélateur d’occupations mouvantes, se reconfigurant au fil des générations ?

L’objectif du projet HOME est d’interroger ces différentes thématiques à travers une approche interdisciplinaire, à la croisée des Sciences humaines et sociales (archéologie, histoire) et des Sciences naturelles (archéobotanique, archéozoologie, géoarchaeologie, géomorphologie, pétrographie céramique). Il s’articule autour d’un volet archéologique (prospections, tranchées diagnostics, fouilles extensives) permettant l’acquisition de données inédites sur les sociétés anciennes, et un volet ethnohistorique (sources écrites arabes et européennes, archives photographiques, sources ethnographiques) autorisant de premiers essais de reconstitution des dynamiques culturelles sur le long terme.

En 2022, de premières prospections préliminaires menées autour des quatre nécropoles mégalithiques UNESCO (Wanar, Siné-Ngayène, Ker Batch, Wassu) avaient permis de reconnaître deux secteurs particulièrement prometteurs pour la conduite des opérations archéologique. Le premier se situe au Sénégal, dans le secteur de Wanar. Ici, de nombreux vestiges céramiques et métallurgiques indiquant des occupations entre les 11e et 13e siècles environ avaient été observés en périphérie de la nécropole mégalithique et à proximité du village actuel éponyme. Le second secteur est localisé en Gambie, dans la région de Ker Batch. D’importants vestiges matériels suggérant de multiples occupations depuis la période médiévale (deux nécropoles mégalithiques, vestiges céramiques épars) jusqu’à la période Atlantique ont ici été mis en évidence en bordure immédiate du fleuve Gambie. Dès le 18e s., ce lieu est mentionné comme un “port“ indigène. Quatre campagnes de fouille sont programmées entre 2023 et 2027 sur ces deux secteurs.

 

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Vue du fleuve Gambie d'un autre probable port ancien à quelques kilomètres à l'est de Nianimaru

 

Collaborateurs scientifiques :

  • Matar Ndiaye - Archéologue (IFAN-UCAD, Sénégal)
  • Hassoum Ceesay - Historien (NCAC, Gambie)
  • Chloé Martin - Topographe (Eveha, France)
  • Irka Hajdas - Géochronologue (ETHZ, Suisse)
  • Louis Champion – Carpologue (IRD, France)
  • Patricia Chiquet - Archéozoologue (MHN Genève, Suisse)
  • Marylise Onfray - Géoarchéologue (INRAP, France)
  • Benjamin Gehres - Pétrologue (CNRS, France)
  • Moustapha Sall – Ethnoarchéologue (UCAD, Sénégal)

Foodways in West Africa: an integrated approach on pots, animals and plants

 

(FNS Sinergia CRSII5_186324, requérant-e-s: Anne Mayor, Martine Regert et Tobias Haller)

2019-2024: https://data.snf.ch/grants/grant/186324

 

Ce projet FNS Sinergia (2019-2023) propose une approche interdisciplinaire de l’alimentation et de son évolution au fil des deux derniers millénaires au Sénégal. La méthode vise à croiser les résultats d’analyses relevant des sciences naturelles (botanique, zoologie, chimie) et des sciences humaines et sociales (archéologie, histoire, socio-anthropologie), obtenus à partir de plantes et d’animaux consommés, de poteries ayant servi à leur conservation, préparation ou consommation, ainsi que d’archives et d’entretiens de recherche.

L'alimentation en tant que marqueur social, économique et culturel a émergé comme un thème d'intérêt transversal à traiter dans une perspective interdisciplinaire. Ce projet, centré sur le Sénégal des deux derniers millénaires, a pour but de développer une nouvelle méthode pour approcher l’histoire de l’alimentation en combinant différentes analyses des poteries (morphométrique, tracéologique, chimique, phytolithique), ainsi que des plantes et animaux consommés. La reconnaissance des fonctions et contenus des poteries, puis la comparaison entre données ethnographiques et archéologiques permettront de documenter les changements de cuisines sur la longue durée. De plus, des études historiques et socio-anthropologiques basées sur les archives, l'histoire orale et l'observation participante visent à approfondir l'évolution des pratiques aux époques du commerce atlantique dès le XVesiècle, de la colonisation et de la mondialisation.

A l'échelle du Sénégal, cette recherche permettra de comprendre les changements alimentaires survenus au fil du temps et contribueront à la sauvegarde d'un patrimoine culinaire menacé. A l'échelle de l'Afrique, les données bio-archéologiques combleront les lacunes des données portant sur l’émergence et la circulation des plantes et animaux domestiques. Plus largement encore, la méthodologie développée pour l’identification des fonctions des céramiques et de leurs résidus d’origine animale et végétale sera utile pour tous les archéologues. Par ailleurs, le lien avec la situation actuelle fournira des informations clé sur les aspects institutionnels et politiques de la sécurité alimentaire et de la nutrition, notamment pour la compréhension des facteurs entravant la diversité alimentaire actuelle.

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Peuplement humain et paléoenvironnement en Afrique – projet Falémé

 

(FNS 10001F_212301, requérantes actuelles : Anne Mayor et Katja Douze)

 

Ce projet a pour objectif la construction de l’histoire du peuplement et des dynamiques techniques et culturelles de la vallée de la Falémé, au Sénégal oriental, depuis le Paléolithique jusqu’aux périodes actuelles. Il comprend près de trois mois de fouilles archéologiques par an sur le terrain. Il est financé essentiellement par le Fonds national suisse de la recherche scientifique et par la Fondation Suisse-Liechtenstein pour les recherches archéologiques suisses à l'étranger (SLSA) et est mené en collaboration avec de nombreux partenaires de France et du Sénégal.

Les principaux axes de recherche développés ayant trait aux 3 derniers millénaires sont:

  • L’étude des traditions céramiques actuelles et leurs transformations techniques et stylistiques depuis le Néolithique
  • L’étude de la variabilité de l’architecture vernaculaire contemporaine, la compréhension des mécanismes à l’origine des emprunts techniques et les évolutions diachroniques
  • Les fortifications endogènes et leur rôle dans le contexte de la traite atlantique
  • L’étude du style et de la composition chimique des perles en verre pour reconstituer leurs provenances et les circuits commerciaux aux époques phénicienne, islamique et atlantique
  • L’étude de l’une des plus ancienne métallurgie du fer au Sénégal, du 4ème s. BCE au 7ème s. CE
  • L’étude de l’habitat de Djoutoubaya, voisin des mines d’or et contemporain des royaumes de Ghana et du Mali, notamment l’architecture, l’artisanat et les pratiques alimentaires.

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Gonja project : archéologie et islamisation au nord du Ghana

 

(SLSA, requérant : Denis Genequand)

 

Les objectifs principaux du projet sont d’étudier l’islamisation du nord du Ghana à partir du 16e siècle en reprenant l’étude archéologique du royaume de Gonja. Deux axes de recherches ont été définis.

Le premier et le plus important est l’étude d’un site majeur, Old Buipe, en recourant à des relevés topographiques et à des fouilles extensives pour documenter les états anciens de la ville et son évolution du 15e au 18e-19e siècle.

Le second, très complémentaire, s’attache à l’étude architecturale et à la datation de quelques-unes des dernières mosquées traditionnelles du nord du Ghana, dont la majorité se trouve sur le territoire de Gonja et dont les origines sont encore mal connues (mosquées de Bole, Larabanga, Banda Nkwanta, etc.).

Ce projet est financé par la Fondation Suisse-Liechtenstein pour les recherches archéologiques suisses à l’étranger (SLSA). Il est mené en collaboration avec des collègues du Department of Archaeology and Heritage studies à Accra.

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