Temporaire

Archéologie dans la vallée du Nil: Egypte-Soudan

Mission suisse-franco-soudanaise de Kerma – Doukki Gel

 

Subsides suisses

  • Secrétariat d'État à la Formation, à la Recherche et à l'Innovation SEFRI, via la Fondation Kerma
  • Dons privés

Subsides français

 

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Vue aérienne du site de Doukki-Gel avec la ville antique de Kerma à l’arrière-plan. © Mission Kerma-Doukki Gel/B.-N. Chagny.

 

La mission archéologique suisse-franco-soudanaise de Kerma-Doukki Gel est co-dirigée par Xavier Droux, Séverine Marchi, et Abd el-Hay Abd el-Sawy. Elle est l’héritière des travaux pionniers entrepris sous l’égide de l’université de Genève à Tabo, sous la direction de Charles Maystre dès 1965. C’est tout d’abord Jean Jaquet qui dirige le travail sur le terrain puis, dès la deuxième saison, Charles Bonnet. Celui-ci prend la direction de la mission une dizaine d’années plus tard et déplace alors le focus des fouilles sur la ville antique de Kerma.
En 2002 naît la Mission archéologique suisse à Kerma, divisée aujourd’hui en deux vastes concessions distinctes : la nécropole et les sites des déserts sont placés sous la responsabilité de la mission de l’Université de Neuchâtel dirigée par Matthieu Honegger, les deux sites urbains de Kerma et de Doukki Gel sont étudiés par la mission rattachée depuis 2022 au Laboratoire ARCAN de l'Université de Genève, en étroite collaboration avec le Secrétariat d'État à la Formation, à la Recherche et à l'Innovation, le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères, et l’UMR 8167-Orient et Méditerranée (CNRS, Sorbonne Université). Au Soudan, la mission bénéficie du soutien de la National Corporation for Antiquities and Museums ainsi que des représentations diplomatiques suisse et française.

 

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Vestiges de la Deffufa occidentale, édifice cultuel principal de la ville antique de Kerma. © Mission Kerma-Doukki Gel/B.-N. Chagny.

 

La ville antique de Kerma, capitale du royaume du même nom, a livré les vestiges d’une occupation dense depuis le milieu du 3e millénaire av. J.-C. Autour d’un imposant quartier religieux dominé par le temple principal, la Deffufa, se sont développés des quartiers d’habitation et des bâtiments administratifs dont la fouille a révélé des pratiques architecturales originales et d’activités artisanales parfois uniques. L’ensemble des données archéologiques recueillies à Kerma reflète la richesse et le dynamisme d’une communauté ancrée au cœur d’un royaume puissant et étendu.

Au nord de la ville antique, se trouve Doukki Gel, où se concentrent les efforts de la mission depuis le début des années 2000. L’intérêt majeur de ce site réside dans l’architecture de brique crue qui y est préservée. Souvent arasés, des bâtiments érigés dans des styles, techniques et technologiques locales – où l’on observe une nette préférence pour les plans de forme arrondie – côtoient des monuments égyptiens quadrangulaires. Ce site est loin d’avoir livré tous ses secrets : son occupation a duré plusieurs millénaires, et sa surface préservée occupe plus de sept hectares.

L’une des découvertes marquantes faite à Doukki Gel est une série de sept statues monumentales, brisées et enfouies dans une fosse creusée dans le complexe religieux d’époque kouchite : datant des 7e-6e siècles av. J.-C., elles représentent cinq souverains de la fin de la XXVe dynastie et de l’époque napatéenne : Taharqa, Tanoutamon (deux statues), Anlamani, Senkamanisken (deux statues) et Aspelta.

Ce travail de longue haleine sur deux sites d’importance majeure dans la Vallée du Nil continue de révéler des indices passionnants concernant aussi bien le contexte régional nubien que l’Égypte et l’Afrique centrale, et restitue aux populations locales les trésors d’une histoire méconnue.

 


STORinJAR

 

Le projet FNS STORinJAR TMPFP1_217261. Storing food in Ceramics. Multiscalar and interdisciplinary analysis of storage jars used in the lower Nile Valley (Egypt and Sudan) during the Early and Middle Bronze Age – Adeline Bats

2023-2025: https://data.snf.ch/grants/grant/217261

 

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Jarre bouteille (N° Inv. 3333) découverte à Ayn Soukhna, début XIIe dynastie [© Mission archéologique d’Ayn Soukhna / IFAO]

 

Le stockage alimentaire est une thématique centrale pour l’étude des civilisations anciennes, puisqu’il permet d’appréhender les stratégies mises en œuvre par différentes sociétés pour garantir la sécurité alimentaire des populations, mais aussi les différents usages des surplus.
À partir des années 1980, cette thématique de recherche s’est grandement développée pour l’Europe protohistorique, antique et médiévale, sous l’impulsion de François Sigaut qui accorda un intérêt tout particulier aux conditions créées par l’être humain – dans l’histoire et dans différentes sociétés – pour garantir la bonne conservation des denrées périssables1 . Pour la vallée du Nil, la question du stockage des denrées alimentaires n’a que très rarement été posée directement et fut abordée de manière ponctuelle, à partir des données iconographiques2 , textuelles ou encore archéologiques. Toutefois, ces recherches visent essentiellement à estimer des quantités de céréales conservées, ou portent sur l’organisation sociale de la gestion des stocks3 .
D’autres recherches ont également été menées ponctuellement, au hasard des découvertes archéologiques4 . Celles-ci s’appuient surtout sur une certaine lecture de l’iconographie, dans le but de proposer une analyse fonctionnelle des bâtiments. Cependant, toutes ces contributions ont négligé un aspect essentiel du stockage : la technique, et en particulier les atmosphères de conservation. Ainsi, mêlent-elles sans distinction les désignations de « grenier » ou « silo » – souvent considérées comme synonymes –, ignorant les caractéristiques spécifiques des denrées conservées et proposant alors des interprétations économiques et sociales parfois discutables.

Avec les silos construits en briques crues5 , les céramiques de stockage sont les dispositifs majoritaires en Égypte et en Nubie. À ce jour, ce matériel est essentiellement connu d’après les typo-chronologies, bien que quelques analyses fonctionnelles aient été initiées6 . Mon objectif est donc de proposer une étude du phénomène anthropique du stockage en jarre dans le nord de la vallée du Nil d’après toutes les sources disponibles, afin de déterminer les variables et les invariables dans l’usage de ces contenants qui ont pu servir pour le stockage domestique ou les échanges de denrées alimentaires.
Pour mener à bien cette recherche, j’ai accès à différents corpus inédits, comme les jarres découvertes à Ayn Soukhna (Sorbonne Université/IFAO), celles issues des galeries-magasins du ouadi el-Jarf (Sorbonne Université/IFAO), ou encore les jarres égyptiennes et soudanaises du site de Kerma Doukki-Gel (Université de Genève / Sorbonne Université) dont certaines sont conservées au Musée d’Art et d’Histoire de Genève.

Ces céramiques seront étudiées selon les principes de l’analyse techno-fonctionnelle, comme cela a déjà été fait pour du matériel provenant d’autres civilisations.
Il sera alors question de distinguer les macro-traces laissées par les potiers, des stigmates témoignant des usages des céramiques. Les traces de façonnage, tout comme des analyses pétrographiques, permettront de mieux comprendre les choix techniques des potiers dans la réalisation de contenants capables de conserver et transporter des denrées brutes, transformées ou des liquides.
Ces corpus inédits doivent être considérés comme des « cas d’études » à mettre en parallèle avec d’autres données, textuelles et iconographiques, mais aussi des jarres déjà publiées et qui témoignent de contextes pertinents pour une analyse technique et fonctionnelle. Les analyses pétrographiques seront menées par Mary F. Ownby (Université d’Arizona). Des analyses de résidus alimentaires devront aussi être réalisées, en collaboration avec Martine Regert (UMR 7264, CEPAM) sur le matériel soudanais. Ces analyses portent sur les résidus organiques et lipidiques afin de déterminer les types de plantes ou les aliments riches en lipides (tels que la viande et le poisson, la graisse animale et les produits de la ruche) qui y étaient conservés.
Des expérimentations, en partenariat avec des acteurs de l’agriculture et de l’alimentation biologique, ainsi que l’analyse des échantillons expérimentaux par Jean-Michel Savoie (INRAE-Bordeaux), compléteront cette recherche pour déterminer si les grains sont encore consommables – pour l’alimentation et la germination – après le stockage dans les jarres expérimentales. Cela permettra aussi de proposer des hypothèses sur le stockage des semences, des biens particulièrement précieux pour les paysans puisqu’elles sont sélectionnées avec attention au sein du stock céréalier.

Ainsi, les textes égyptiens – essentiellement des bordereaux de livraison – fourniront-ils des informations sur les produits conservés, les types de récipients et le transport des marchandises, alors que l’iconographie livrera des données sur les usages (stockage, transport).
L’archéologie, quant à elle, informera sur la création et l’utilisation des jarres grâce aux macro-traces et aux contextes de découverte. L’analyse des résidus apportera des informations complémentaires aux sources textuelles sur le contenu des jarres.
Enfin, l’expérimentation permettra de tester des hypothèses et d’interroger davantage les sources tout au long du processus de recherche. Les analyses des grains expérimentaux permettront de valider ou d’invalider les protocoles et de fournir des résultats sur la viabilité des modes de stockage égyptiens et nubiens anciens. De plus, les comparaisons ethnographiques permettront de définir des variables, des tendances et des invariables dans l’usage de jarres par une population humaine donnée. La synthèse et l’analyse des informations collectées se fera sur la base de la techno-économie, en cherchant à définir les éléments propres à des usages spécifiques et des invariables anthropologiques.

 

  1. Fr. SIGAUT, Les réserves de grains à long terme – Techniques de conservation et fonctions sociales dans l’histoire, Paris, 1978 ; M. GAST, Fr. SIGAUT et al. (éd.), Les techniques de conservation des grains à long terme, leurs rôles dans la dynamique des systèmes de culture et des sociétés, 3 volumes, Paris, 1979-1985.
  2. R. SIEBELS, « Representations of granaries in Old Kingdom tombs », BACE 12, 2001, p. 85-99 ; M. BARDONOVÁ, « Grain storage in the Old Kingdom. Relation between an object and its image », dans K.O. Kuraszkiewcz, E. Kopp, D. Takács (éd.), ‘The perfection that endures…’ Studies on Old Kingdom Art and Archaeology, Varsovie, 2018, p. 43-60.
  3. B.J. KEMP, « Large Middle Kingdom Granary Buildings (and the Archaeology of Administration) », ZÄS 113, 1986, p. 120-136 ; L.A. WARDEN, « Grain as wealth in Egypt: Field – silos – bread and beer », dans A. Bats (éd.), Les céréales dans le monde antique. Regards croisés sur les stratégies de gestion des cultures, de leur stockage et de leurs modes de consommation, NeHeT 5, Paris, 2017, p. 141-156.
  4. M.D. ADAMS, « Household Silo, Granary Models, and Domestic Economy in Ancient Egypt », dans Z.A. Hawass, J. Richards (éd.), The Archaeology and Art of Ancient Egypt. Essays in Honor of David B. O’Connor, vol. I, CASAE 36, Le Caire, 2007, p. 1-23.
  5. A. Bats, N. Licitra, T. Joffroy, B. Lamouroux, A. Feuillas, J. Depaux, « The Egyptian mud-brick silo. Technical and functional analysis of a grain storage device », dans A. Bats, N. Licitra (éd.), Storage in ancient Egypt and Sudan. I. Earthen architecture and buildings techniques, Actes des deux journées d’Étude du Groupe de Travail (2020 et 2021), Leyde : SidestonePress, 2023.
  6. T. RZEUSKA, « Grain, Water and Wine. Remarks on the Marl A3 transport-storage Jars from Middle Kingdom Elephantine », CCE 9, 2007, p. 461-530.

 


Ponda

 

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La plateforme Ponda.org est un outil en ligne destiné à la communauté scientifique et au grand public, axé sur la culture matérielle du prédynastique égyptien (4e millénaire av. J.C.). Xavier Droux, collaborateur externe, est l’initiateur et l’éditeur de ce projet d’envergure auquel collaborent plusieurs chercheurs spécialistes reconnus du prédynastique. Cette plateforme vise principalement à associer ces objets à leur lieu d’origine, ainsi qu’à leur lieu de conservation actuel dans les musées et collections, et à l’ensemble des publications pertinentes.
La plateforme se compose de bases de données interconnectées sur les artefacts, les individus (archéologues, collectionneurs), les sites archéologiques, les collections et les publications. Il facilite la collaboration et améliore la compréhension des artefacts de l’Égypte ancienne, favorisant ainsi l'exploration du patrimoine culturel.
Le développement de ce projet bénéficie du soutien de la Thomas Heagy Foundation.