Résumé

Les traditions céramiques sont en constante évolution, mais le rythme du changement est variable et toutes les étapes de la chaîne opératoire ne sont pas affectées de la même manière, en fonction des causes d'emprunt, d'abandon ou d'innovation. Peu d'études ethnoarchéologiques en Afrique se sont attachées à comprendre en détail ces dynamiques, qui sont importantes pour l'interprétation des sociétés passées. Notre étude a été menée de 2012 à 2015 le long de la vallée de la Falémé au Sénégal oriental, caractérisée par des cultures et des environnements diversifiés. Elle vise à comprendre les dynamiques historiques des traditions céramiques en documentant la variabilité et la distribution spatiale des différentes étapes de la chaîne opératoire, et en analysant les facteurs qui expliquent les transformations des techniques, des outils des potiers et des objets finis sur différentes temporalités, à la fois à long et à court terme.

Les résultats montrent que la même technique de façonnage, le moulage sur une forme convexe, est utilisée par tous les potiers, quelle que soit leur identité culturelle. En revanche, les procédures de cuisson indiquent deux traditions différentes. La reconstitution des généalogies des potières et des réseaux d'apprentissage inscrit les deux traditions dans des trajectoires sociales distinctes, et leur répartition spatiale correspond à celle des royaumes précoloniaux en expansion après l'effondrement de l'empire Mâli, entre le 17e et le 19e siècle de notre ère : le royaume Fulbe du Boundou au nord, et trois royaumes Mandé au sud. A côté de cette dynamique de long terme, les éléments de transformation des recettes de pâte ou des boîtes à outils des potiers, et l'abandon de certains types de pots renvoient à des dynamiques récentes, datant de quelques décennies, dans un contexte de changement climatique et de mondialisation croissante.

Mots-clés : Ethnoarchéologie ; Ethnohistoire ; Poterie ; Technologie ; Dynamique culturelle ; Royaumes précoloniaux ; Sénégal ; Afrique